Les énergies renouvelables, et en particulier l’énergie solaire, sont un levier privilégié pour la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. Le soleil est une source d’énergie renouvelable, abondante et exploitable dans le monde entier. Théoriquement, la puissance provenant de l’irradiation solaire reçue par la terre est 7000 fois supérieure à la consommation en énergie primaire de nos sociétés. Cependant, l’énergie solaire utilisée à date ne représente qu’une infime partie de nos besoins.

Alors que certains voient le solaire photovoltaïque comme une véritable solution miracle, d’autres n’y voient qu’une poudre de perlimpinpin. En cause, la non prise en compte du bilan carbone totale de la centrale dans les calculs des émissions carbone évitées. Dans un pays comme la France, où le mix électrique est très faiblement carboné, déployer des centrales PV contribue-t-il vraiment à la lutte contre le réchauffement climatique ?

C’est la question à laquelle nous essaieront de répondre en nous intéressant dans un premier temps aux méthodes utilisées pour estimer le bilan carbone d’une centrale solaire. Puis nous analyserons la(es) situation(s) de référence à laquelle il faut comparer le bilan carbone pour apprécier ou non son utilité dans la transition énergétique.

Quelle méthode pour calculer le bilan carbone des installations photovoltaïques ?

Le bilan carbone correspond à l’ensemble des émissions, directes et indirectes, de gaz à effet de serre d’une activité ou d’un site. Cette estimation se fait en kilogramme de CO2 équivalent et ne concerne que les gaz à effet de serre émis et non les autres impacts potentiels sur l’environnement.

Un bilan carbone est un exercice délicat puisqu’il nécessite d’estimer les émissions carbones sur toute la chaine de valeur, et ce sur le cycle de vie complet du projet. Plus l’analyse est complète, plus le bilan est précis. Mais connaître l’impact exact de tous les processus est une tâche complexe et nécessite une transparence totale de tous les acteurs impliqués dans le projet. Aucune méthode actuelle de calcul des émissions de gaz à effet de serre ne peut donc être présentée comme étant exacte. Il y a autant de résultats que de calculs différents. Néanmoins, le bilan carbone reste un exercice nécessaire pour s’assurer de la durabilité des projets sur le long terme.

Une structure photovoltaïque regroupe trois éléments principaux :

  • Les panneaux photovoltaïques
  • La structure porteuse en acier
  • Les éléments techniques tels que les onduleurs ou les transformateurs

La production des modules photovoltaïques est un processus très énergivore, notamment lors de la purification du silicium et pour la création des lingots de silicium qui se font à haute température. Cette première partie de création physique des équipements représente sans conteste une part prépondérante de l’émission de gaz à effet de serre totale d’un projet. À cela s’ajoutent les gaz à effet de serre (GES) liés aux transports des matières premières, aux travaux d’installation et à l’exploitation de la centrale sur toute sa durée de vie (du déplacement des agents de maintenance au remplacement du matériel défaillant).

Plusieurs méthodes sont disponibles pour estimer le bilan carbone des projets photovoltaïques. L’évaluation carbone simplifiée de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) est l’une d’elles. Cette méthode se concentre sur l’analyse détaillée du carbone produit lors de la fabrication des modules. Cet outil ne couvre pas tout le cycle de vie d’une centrale photovoltaïque et est donc incomplet. En effet, bien que la production des modules représente la majeure partie du bilan carbone d’une centrale photovoltaïque, elle n’en représente pas l’intégralité.

L’ADEME propose quant à elle une méthode globale, qui court sur tout le cycle de vie du projet. Contrairement à la méthode CRE, le coût carbone associé aux modules est standard pour chaque grande famille de technologie (monosilicium [SI], poly SI, multi SI, A-SI, CDTE, CIS). Cette méthode est disponible via le document intitulé « Référentiel d’évaluation des impacts environnementaux des systèmes photovoltaïques par la méthode d’analyse des cycles de vie ».

Les postes d’émissions pris en compte sont les suivants :

  • Le type de module (et leur dégradation estimée)
  • La puissance de l’onduleur
  • La présence ou non d’un transformateur
  • Le type d’installation (ombrière, sol, toiture)
  • La présence ou non d’un local technique
  • Prise en compte de la clôture et de la construction de la route d’accès si nécessaire
  • Distance parcourue par les agents de maintenance.

L’approche SunMind

L’objectif de SunMind est de construire un outil d’évaluation du bilan de carbone le plus complet et le plus précis possible. En se basant sur les travaux de la CRE et de l’ADEME, SunMind a construit une méthode basée sur le bilan carbone des modules détaillé par la CRE, et qui prend en compte les émissions globales du reste du projet estimé par la méthode ADEME.

En considérant le bilan carbone de chaque poste d’émission identifié, on obtient le bilan carbone suivant pour une centrale photovoltaïque en toiture d’une puissance de 1475 kWc dans le sud de la France, avec un productible estimé à 1405 kWh/kWc : 1705 tonnes de CO2 émis. En considérant la production de cette même centrale sur une durée de 30 ans on obtient une émission de gaz à effet de serre par KWh produit de : 27,6g de CO2 eq.

Tout au long de sa vie, cette centrale permettra donc d’économiser du CO2 par rapport à une situation de référence qui est celle du mix électrique français. Comme illustré sur le graphique ci-dessous, et en tenant compte d’un bilan carbone du mix électrique français (présenté par la CRE) de 112 gCO2eq./kWh SunMind estime qu’il faut huit ans à la centrale photovoltaïque pour rembourser totalement le carbone émis lors de sa création.

Actus SunMind

Pour une centrale identique construite dans le nord de la France où le productible est sensiblement inférieur (1100kWh/kWc) le temps nécessaire pour « rembourser » les émissions de gaz à effet de serre serait de 10 ans.

Actus SunMind

Cette méthode sera amenée à évoluer et à être perfectionnée. Voici une liste des premiers points à améliorer dans nos estimations :

  • Le transport des matières premières et du matériel (structure, modules, transformateurs, etc.) n’est pas pris en compte.
  • Les bilans carbones imputés à l’onduleur et au transformateur sont des calculs standards qui ne sont pas différenciés en fonction des fournisseurs.
  • Le recyclage et la réutilisation des matériaux ne sont pas pris en compte.

Situation de référence

Dans l’exemple ci-dessus, nous avons comparé le bilan carbone de l’électricité produite par la centrale photovoltaïque avec le bilan carbone du mix électrique français. Mais est-ce la bonne approche ? Faut-il se cantonner à cette simple comparaison ?

Le mix électrique français est marqué par une prépondérance de la filière nucléaire depuis les années 90. Dans le bilan électrique de 2019, RTE annonce le découpage suivant :

Actus SunMind

Ce mix particulier à la France et dominé par le nucléaire permet au pays de disposer d’une électricité relativement peu émettrice de gaz à effet de serre. C’est pourquoi, la France est aujourd’hui l’un des pays européens qui émet le moins de CO2 eq. pour produire son électricité. Ainsi, le développement de centrale photovoltaïque a donc un impact relativement faible en France ?

Cette première analyse a le mérite d’être très intuitive, il est cependant nécessaire d’adopter une approche plus globale pour apprécier l’utilité des énergies renouvelables. Si chaque pays européen possède un mix de production électrique bien à lui, il ne faut pas considérer les marchés électriques comme des marchés domestiques fermés sur eux-mêmes. Au contraire, les capacités d’échange et les interconnexions entre pays ne cessent d’augmenter. Les capacités de production additionnelles d’énergies renouvelables en France ne viennent donc pas concurrencer le nucléaire français mais viennent s’y ajouter pour concurrencer les sources de productions carbonées en France et dans les pays voisins.

Dans le rapport technique de son bilan prévisionnel 2019, RTE estime que sur les 22 millions de tonnes de CO2 épargnées grâce aux PV et à l’éolien français, 5 ont été épargnées en France et 17 ont été évitées dans les pays frontaliers. Comme il est mentionné dans ce même rapport « Dit autrement, si ces capacités n’avaient pas été développées et avec le reste du parc électrique actuel et inchangé, les moyens thermiques en France et en Europe auraient été davantage sollicités, conduisant à des émissions supplémentaires, notamment via des centrales au charbon et au gaz. »

Un autre facteur à considérer est le mix énergétique. Si le solaire photovoltaïque permet bien de produire de l’électricité, il rentre également en concurrence avec la consommation d’énergie globale. En effet, la tendance est à l’électrification des usages en France et en Europe ; la part du chauffage électrique ne cesse d’augmenter, les voitures électriques sont présentées comme la future norme, l’hydrogène « vert » nécessite l’électrolyse et donc la production d’électricité «verte».

Tous ces facteurs supposent donc que la production d’électricité augmente pour prendre une part de plus en plus importante dans le mix énergétique français, or ce mix énergétique est encore fortement carboné, le gaz et le pétrole représentant 44% de nos consommations.

Ainsi, si l’on veut estimer l’intérêt des technologies photovoltaïques il ne faut passe contenter de regarder le mix électrique français, mais il convient également de comparer les émissions du solaire avec les mix électriques de nos pays voisins (RU, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne) et le mix énergétique français. En prenant en compte ces nouveaux points de référence, l’économie carbone réalisée par le solaire dépasse largement les émissions nécessaires à son développement.

Conclusion

Il existe à date plusieurs outils pour estimer le bilan carbone d’une centrale solaire photovoltaïque, notamment la méthode CRE et ADEME. En s’appuyant sur ces travaux existants, SunMind a développé une méthode d’analyse des émissions de ses projets solaires.

Une fois le bilan carbone connu, il faut le comparer à une situation de référence afin d’évaluer l’équilibre carbone du projet. La définition de cette situation de référence est complexe, en première approche comparer la production d’électricité photovoltaïque au mix électrique français semble être le plus intuitive. Cependant, le développement des énergies renouvelables en France s’inscrit en réalité dans le contexte plus global du mix énergétique européen.

La solution de production photovoltaïque est en constante évolution. Ainsi que ce soit grâce à l’amélioration constante des rendements ou au mix de moins en moins carboné des pays producteurs de modules, les bilans carbones ne cessent de s’améliorer.

En conclusion, les centrales photovoltaïques ne sont ni de la poudre de perlimpinpin ni une solution dé-carbonée. C’est une solution très faiblement carbonée qui permet, aux côtés des autres énergies renouvelables, d’accélérer la transition énergétique nécessaire de nos sociétés.

Sources et remerciements

Sources : ADEME, CRE, RTE, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire

AUTEURS :
Katell Guillou, Chargée d’affaires, Sales & Business Development chez SunMind
Paul Péharpré, Chargé d’affaires, développement de projets
Maxime Varin, Fondateur de SunMind