Décret Tertiaire : de quoi parle-t-on ?
Le secteur du bâtiment pèse près de 44% de la consommation énergétique finale française, tout secteur confondu (source MEDDE, CGDD, SOeS, 2013). C’est dans ce cadre que la loi Grenelle II de 2010 vise la réduction de la consommation d’énergie et promulgue les énergies renouvelables dans la conception et l’exploitation des bâtiments. Cette loi a été modifiée dans le cadre de la loi ELAN (Evolution Logement, de l’Aménagement et du Numérique) dont l’Article 175 définit les objectifs en terme de réduction énergétique de ces bâtiments : -40 % en 2030, -50 % en 2040 et -60 % en 2050.
Les obligations et champs d’applications au terme de cette loi n’ont été détaillés qu’en juillet 2019 dans le cadre du Décret Tertiaire. Ces objectifs sont alors définis à partir d’une année de référence à déterminer entre 2010 et 2020, et peuvent également être atteints lors du passage de la consommation énergétique finale sous un seuil en valeur absolues. Le périmètre des consommations d’énergies applicable au décret concerne la globalité des usages d’un site, en dehors des consommations liées à la recharge de véhicules électriques.
Le non-respect des obligations de réduction de ses consommations énergétiques entraine des sanctions pour les entreprises dont une amende allant jusqu’à 7 500€. Le principe de « name and shame » s’applique pour les entreprises qui ne respectent pas l’obligation de reporting : une liste des mises en demeure sera publiée sur un site internet des services de l’Etat.
Les conditions d’applications du Décret Tertiaire ont ensuite été clarifiées dans l’arrêté du 10 avril 2020 (dit Arrêté méthode), qui définit la méthode de calcul de l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments. Le partage des données de consommation d’énergie s’effectuera au travers d’une plateforme appelée OPERAT et gérée par l’ADEME. Celle-ci permettra à la fois le recueil des informations liées aux bâtiments, mais également le suivi de ses performances.
L’arrêté indique que les obligations sont modulables en fonction des contraintes techniques et architecturales des bâtiments concernés, mais également en cas de rentabilité trop faibles des actions à entreprendre. Un dossier technique sera à remettre à la Préfecture, chargé de l’application du décret, ou directement sur la plateforme OPERAT, pour décider de la modularité des obligations imposées.
L’arrêté du 10 avril 2020 a été modifié par arrêté (dit « Arrêté valeurs absolues) le 17 janvier 2021 (date de parution au Journal Officiel) qui fixe les valeurs absolues de consommation d’énergie que les bâtiments tertiaires de la catégorie bureaux-services public et logistique devront atteindre d’ici 2030. La définition des objectifs en valeurs absolues correspond à une valeur de consommation en quantité d’énergie finale annuelle par m² (kWh/m²/an). L’arrêté précise également les documents devant composer le dossier technique de modularité des obligations.
Deux autres arrêtés devraient être publiés en 2021 et définiront les valeurs absolues pour les bâtiments tertiaires « autres ». La date limite de saisie des consommations énergétiques de référence a été fixée au 30 septembre 2022 et l’année 2020 ne pourra pas être choisie en année de référence en raison de la crise sanitaire.
A qui s’appliquent ces décrets ?
Le décret s’applique à l’ensemble des bâtiments à usage tertiaire dont la surface cumulée liée à l’activité tertiaire dépasse les 1000 m². A noter que les industriels sont également concernés dès lors que la surface cumulée des bâtiments (ou partie de bâtiment) à usage tertiaire présents sur site (bureaux, restauration, administration, entrepôt…) dépasse cette valeur.
Les obligations s’appliquent aux propriétaires bailleurs et aux locataires des bâtiments concernés, qui partagent la responsabilité au titre du décret. La répartition des actions à entreprendre sera définie à partir des dispositions présentes dans le bail commercial qui lie le propriétaire et le locataire.
Une centrale photovoltaïque sur site permet-elle de répondre aux exigences du Décret Tertiaire ?
Bien que l’autoconsommation ne soit pas un moyen de réduire sa consommation d’électricité, il convient de se demander si l’installation d’une centrale photovoltaïque en autoconsommation permettrait de répondre aux exigences d’efficacité énergétique du décret tertiaire.
Les objectifs du décret tertiaire se définissent à partir de l’énergie finale consommée, qui est définie comme « l’énergie délivrée au consommateur final. […] Les consommations d’énergie finale prises en considération sont celles des postes de consommations énergétiques relatifs d’une part à l’ambiance thermique générale et à la ventilation des locaux, en tenant compte des modalités d’occupation, et d’autre part aux autres usages immobiliers ainsi qu’aux usages spécifiques et de procédés. » (Arrêté du 10 avril 2020 – Art. 2 Définitions).
Une centrale photovoltaïque en autoconsommation étant directement raccordée à l’installation électrique d’un site, celle-ci permet de réduire la demande en électricité délivrée par le réseau et au travers d’un fournisseur d’électricité.
L’intégration d’une unité de production renouvelable en autoconsommation sur son site pourrait donc être un levier d’action important pour répondre aux exigences du décret tertiaire, après l’implémentation d’actions de performance énergétique.
En revanche, une centrale photovoltaïque installée sur un site mais dont l’électricité est en revente totale sur le réseau, ne permet pas de répondre aux objectifs de réduction de consommations d’énergies.
Sources :
Arrêté du 23 juillet 2019 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038812251
Arrêté du 10 avril 2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041842389
Arrêté du 5 février 2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041661290
AUTEUR :
Barbara Kemmat, responsable de projet chez SunMind