500 euros pour un MWh début octobre 2022, 50 il y a à peine 2 ans, 300 aujourd’hui…ces dernières années, le marché de gros électrique français est devenu imprévisible. Cette fluctuation plutôt haussière des prix de l’électricité est une réalité qui touche particuliers comme professionnels et fait peser le spectre d’un hiver sous tension pour la France.

Comment expliquer cela ? Si le contexte géopolitique actuel est souvent mis en avant pour expliquer ce phénomène, il est pourtant la résultante d’une multitude de facteurs plus ou moins prépondérants.

SunMind les décrypte pour vous.

Le marché de gros en France et ses mécanismes

Avant d’aborder pleinement la question, penchons-nous plus en détails sur le marché de gros et les mécanismes de définition du prix dans l’Hexagone.

Le marché de gros est « le marché où l’électricité et le gaz sont négociés (achetés et vendus) avant d’être livrés sur le réseau à destination des clients finaux (particuliers ou entreprises) ».

Le prix de l’électricité est fixé par un mécanisme appelé Merit Order (en français « logique d’appel des différentes sources de production électrique dans l’ordre des coûts marginaux croissants »). Les coûts marginaux représentent les coûts des combustibles et le coût des quotas d’émissions CO2. Un graphique illustrant ce concept (source : Enerplan) :

Les énergies renouvelables dites « fatales » (éolien, photovoltaïque, hydraulique au fil de l’eau), avec un coût marginal quasi-nul, sont ainsi appelées en premier dans le Merit Order, suivies des moyens de base (nucléaire) puis de semi-pointe (centrales à charbon et à gaz) pour finir par les moyens de pointe et d’extrême pointe (fioul notamment) et les flexibilités (hydro, batteries).

Les prémices : première crise des prix du gaz

A partir de l’été 2021 et face à la reprise économique mondiale post-Covid, les stocks de gaz européens sont extrêmement bas. En première ligne, le géant russe GazProm qui alimente massivement les pays européens connaît un été marqué par des niveaux de stocks critiques.

Cette rareté fait inévitablement augmenter le prix du gaz. Fin 2021, le charbon possède ainsi un coût marginal plus faible que le gaz pour la production d’électricité en France, selon la logique du Merit Order.

L’élément conjoncturel : un parc nucléaire français en convalescence

Un autre élément vient s’ajouter à cette crise du gaz : le parc nucléaire français, qui représente 56 réacteurs pour une puissance totale de 61 gigawatts, est en sous-production.

En septembre, les centrales nucléaires françaises ont ainsi produit 18,2 TWh d’électricité, contre 29 TWh en septembre 2021, soit une baisse de 37,2 %, comme illustré par ce graphique (source : Ouest France) :

Ces chiffres sont directement liés au taux de disponibilité des réacteurs. En effet, le taux de disponibilité des centrales françaises, en baisse constante depuis 2015, a atteint cette année un niveau historiquement bas : 32 réacteurs sont actuellement à l’arrêt.

Différents événements peuvent justifier ce niveau très bas.

Tout d’abord, 2022 a été une année chargée en maintenance et EDF ne disposait pas forcément de main d’œuvre pour réaliser conjointement toutes les interventions. Ensuite, les constations fin 2021 de dysfonctionnements génériques de tuyauterie affectant une douzaine de centrales, ont nécessité de fastidieuses opérations de remplacements, ce qui a conduit à l’immobilisation des infrastructures sur le long terme.

S’amorce alors une crise d’approvisionnement conduisant aux recours de moyens de semi-pointe pour faire face à la demande. Cette conjoncture aboutit à une nouvelle augmentation du prix de l’électricité.

Le coup de grâce : l’arrêt de NordStream 1

Le contexte géopolitique enfin, avec le conflit Ukraine-Russie, est venu mettre un coup d’arrêt au transport de gaz depuis la Russie. En effet, Nordstream 1 fonctionnant déjà par intermittence depuis le début de la guerre, a définitivement été mis à l’arrêt le 26 septembre dernier à la suite de plusieurs fuites constatées sur le pipeline. L’approvisionnement de gaz depuis la Russie devient donc compromis.

Bien que moins dépendante que l’Allemagne vis-à-vis du gaz russe, la France doit se tourner vers le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) américain pour satisfaire sa demande en gaz, forte de ses nombreux terminaux méthaniers. Et si dans le contexte géopolitique cette solution d’approvisionnement semble être un moindre mal pour l’Hexagone, ce dernier doit en réalité payer beaucoup plus cher pour le GNL car les Etats-Unis, face à la demande croissante, font monter les enchères.

La fluctuation actuelle des prix de l’électricité est donc la résultante de plusieurs évènements conjoncturels : une crise des prix du gaz exacerbée par les difficultés d’approvisionnement et un parc nucléaire français en convalescence.

Au moment où est écrit cet article, le prix de l’électricité sur les marchés de gros est de 373 €/MWh…