On reproche souvent aux énergies renouvelables, et particulièrement à l’énergie solaire, de se revendiquer « propres » tout en ne l’étant pas. La fabrication des modules PV ferait ainsi rentrer dans leur composition des « terres rares ». Impliquées dans de nombreuses applications technologiques-clés, les terres rares se retrouvent au cœur de l’attention depuis les années 2000 pour leur fort impact environnemental, plusieurs décennies après les premières extractions des années 1950. Alors que 80% des terres rares sont produites en Chine (2017), elles sont également devenues un sujet stratégique de premier plan.

Très énergivores pendant leur cycle de production, les terres rares démontreraient que la transition écologique et numérique n’est pas sans impact sur l’environnement.

« Terres rares » : de quoi parle-t-on ?

Les « terres rares » sont 17 métaux qui ne sont en réalité pas rares mais méconnus. Éléments versatiles aux propriétés optiques, catalytiques, électriques et surtout magnétiques remarquables, ils sont recherchés pour leurs applications dans les technologies de pointe. Les 15 lanthanides (Cérium, Lanthane, Néodyme, Samarium…), l’Yttrium et le Scandium sont ainsi prisés au XXème siècle pour la fabrication de tubes cathodiques et d’écrans LCD pour télévisions et ordinateurs. Progressivement, l’Erbium intègre la composition des fibres optiques pour ses propriétés optiques, alors que le Cérium intègre le processus de traitement du verre et les poudres de polissage. L’accroissement de la demande dans les années 2000 provient ensuite essentiellement des aimants. Grâce à des alliages contenant du Samarium, du Gadolinium ou encore du Néodyme, les aimants sont plus compacts, plus légers et plus résistants. Ils permettent la miniaturisation de nombreux composants retrouvés en électricité et en électronique : équipements audio, vidéo, ordinateurs, systèmes de communication, équipements militaires, armement…

Contrairement à leur dénomination, les terres « rares » ne sont pas rares. Le Thulium et le Lutétium, les deux terres les plus rares, sont 200 fois plus abondants que l’or. Cependant, la concentration des terres rares est telle que son extraction requiert des mouvements considérables de croûte terrestre, à moins de les extraire au sein d’une poignée de sites où leur concentration prouvée est très élevée. Ainsi, en 2017, 105 000 tonnes de minerais étaient extraites en Chine (79,5% de la production mondiale), loin devant l’Australie et ses 19 000 tonnes (14,3%). Les Etats-Unis, plus grands extracteurs de terres rares dans les années 1960, ont vu leur production relative chuter au profit de la Chine entre 1990 et 2000. Face à la compétitivité chinoise, les entreprises américaines ont progressivement détourné leur approvisionnement vers la Chine, jusqu’à ce que les mines américaines n’en produisent plus une tonne, en 2016. En Europe, aucune mine de terre rare n’est actuellement exploitée, et ce malgré la volonté de certains pays. Le projet d’une nouvelle Compagnie Nationale des Mines de France proposé par le gouvernement en 2014 a depuis été abandonné, par exemple.

Les nouvelles « matières premières stratégiques »

La demande mondiale de terres rares est exponentielle : de 15 000 tonnes en 1980, la consommation s’est décuplée pour atteindre 150 000 tonnes en 2017. Dans l’ordre, ce sont les aimants, les catalyseurs, les agents de polissage et les alliages pour batterie s nickel-hydrure qui en consomment le plus. La demande augmente chaque année de 5 à 6% et atteindra 350 000 à 450 000 tonnes en 2035, selon une analyse du MIT. Les aimants représenteront alors un quart de la demande, les agents de polissage du verre un autre quart.

Dans ce contexte et afin de réduire leur dépendance à la Chine, les Etats-Unis ont décidé de rouvrir leur mine historique de Mountain Pass (Californie). En 2019, 26 000 tonnes de terres rares y ont été extraites, soit 12% de la production mondiale cette année-là. Mais alors que la production est rapatriée en Occident, la question environnementale se pose. Comme tout minerai, une terre rare doit être extraite, concassée, broyée, enrichie, filtrée et séchée. Ensuite, la terre est calcinée et raffinée afin d’atteindre un oxyde avec un taux de pureté satisfaisant pour ses applications finales. Tout le long de ce processus industriel, une grande quantité d’énergie, de produits chimiques et d’eau sont nécessaires. Entre 20 et 35 kg de CO2eq sont émis par kg de terre rare raffinée durant sa seule production.

96% des panneaux solaires ne contiennent aucune terre rare

Malgré les idées reçues, 96% des panneaux solaires produits dans le monde en 2018 ne contenaient aucune terre rare. Les 4% de panneaux qui en contiennent sont les panneaux de technologie « couche mince », dont le module est composé, entre autres, d’indium et de gallium. Là encore, ces deux éléments n’appartiennent officiellement pas à la catégorie « terres rares » mais plutôt aux « métaux rares », aux côtés du cobalt et du lithium. Plus répandus mais non sans impact environnemental, les métaux rares se retrouvent également dans de très nombreuses applications modernes : écrans LCD, puces électroniques, turbines, peintures, technologies de stockage…

Les modules photovoltaïques de technologie « monocristalline » et « poly-cristalline » (96% du marché) ont comme principal composant le silicium . Très abondant à la surface de la croûte terrestre et dans le sous-sol océanique, le silicium est un métalloïde que l’on retrouve principalement sous formes de sel (silicate) ou bien de sable (sable de silice). À l’inverse des métaux et terres rares, l’approvisionnement en silicium a l’avantage de ne pas poser de problème stratégique à l’heure actuelle. En revanche, tout comme les autres minerais, le silicium a un processus d’extraction et de traitement énergivore et un impact environnemental non négligeable. Entre 7 et 12 kg de CO2eq sont émis par kg de silicium raffiné.

Les panneaux solaires n’ont pas une empreinte carbone nulle… mais presque

La production d’électricité d’origine solaire n’est émettrice d’aucun gaz à effet de serre. Toutefois, il faut regarder l’ensemble de son cycle de vie pour mesurer l’empreinte carbone d’une installation. Lorsque l’on intègre la fabrication et la gestion de fin de vie des panneaux, un système photovoltaïque installé en France émet ainsi 55g de CO2eq par kWh d’électricité produite. En comparaison, les émissions moyennes du parc électrique mondial sont de 430g de CO2eq par kWh. En France, où le nucléaire faiblement émetteur de gaz à effet de serre a une place prépondérante, ces émissions sont de 82g de CO2eq par kWh.

En moyenne, grâce aux améliorations faites dans le processus de fabrication des modules, il faut aujourd’hui 1 an pour qu’une centrale solaire produise l’énergie qui a été nécessaire à sa fabrication. Dans le Nord de l’Europe, ce temps de retour énergétique (« Energy Payback Time ») est en moyenne d’1,5 an, etd’1 an dans le Sud de l’Europe. Sur une durée de vie de 20 ans, une centrale située par exemple au Portugal produira donc 20 fois plus d’énergie qu’elle n’en a consommée.

Après 20 à 30 ans, les panneaux solaires en fin de vie doivent être remplacés . Composés de silicium (5%) mais aussi de verre (76%), de plastiques (10%) et de métal (8%), les panneaux sont recyclables entre 90 et 100%. Avec la création en 2007 d’un organisme européen chargé de la collecte, la filière de recyclage des panneaux se développe progressivement en Europe. En France, PV-Cycle se prévaut d’un taux de recyclage des panneaux de 94,7%.

Sources

US Geological Survey (USGS), International Energy Agency (IEA), Global Silicon Council (GSC), ADEME, Institut Fraunhofer ISE, Terra Eco, PV Cycle, Sia, G. Zaimes et. Al (2014)

AUTEUR :
Charles Bondu, chargé d’affaires développement chez SunMind